J’ai mes données dans le cloud, c’est bien ?

Le « cloud » est le nouvel eldorado de l’informatique. Attention à ne pas confondre avec le « nuage », c’est moins « in ». Google, Microsoft, Apple, les grands hébergeurs, tout le monde s’y est mis. Mais qu’est-ce exactement ? Rien de bien révolutionnaire ! Un peu comme le Web 2.0 à l’époque, c’est une tendance qui existe depuis longtemps et qui a enfin un nom. C’est bien plus vendeur d’avoir un nom ! C’est malgré tout une vraie tendance de fond qui permet de tout virtualiser et de ne plus avoir à administrer et mettre à jour ses serveurs et ses logiciels. Autant laisser ces tâches sans valeur ajoutée à des professionnels dont c’est le métier. Qu’offre le cloud ? Analyse.

Tout d’abord, un peu d’histoire…

Le cloud existe en fait depuis les tous débuts de l’informatique. IBM était le leader du marché avec ses gros systèmes, des machines qui tenaient dans des pièces entières. Elles étaient si coûteuses que les entreprises les louaient et payaient en fonction de leur utilisation, au nombre de programmes exécutés et à la durée. Cela coûtait si cher qu’une blague bien connue circulait parmi les informaticiens : « Qu’est-ce qu’un parking rempli de Ferraris ? Le garage du concessionnaire ? Non, le parking des employés d’IBM chargés d’administrer les gros serveurs ».

Ces coûts étaient tellement exorbitants que les directions de services informatiques (DSI) cherchaient à tout prix à les éliminer. Mais, il fallait s’y résigner, il n’y avait pas d’alternative ! C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il y a eu à l’époque une fronde anti-IBM avec la volonté de s’en séparer coûte que coûte.

Le salut des DSI s’est produit dans le courant des années 90 avec l’arrivée à maturité d’Unix puis de Linux. Une machine ne remplaçait pas un gros serveur, mais il était possible d’en avoir plusieurs en réseau. Le nombre de machines dépendait des besoins et pouvait être ajusté du jour au lendemain. L’ère de la location coûteuse était bel et bien révolue. Revers de la médaille, cela faisait plus de machines à administrer et à devoir mettre à jour.

Dans le même temps, Windows est arrivé sur le marché pour devenir le poste bureautique de référence. Tous les employés avaient chacun un PC sur leur bureau. Une solution idéale pour les employés, mais un casse-tête pour les administrateurs. Car, administrer Windows n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. C’est d’ailleurs pour cela que dans les grandes entreprises, les fonctionnalités de Windows sont bridées et l’on ne bénéficie jamais des dernières versions des logiciels. Une mise à jour sur tout un parc est si compliquée et si risquée !

En 1994, Sun invente le langage Java, le premier langage objet de nouvelle génération. Ce langage est toujours en vogue aujourd’hui et ses compétiteurs se sont tous inspirés de lui. La grande nouveauté de Java, c’est que c’est un langage semi-interprété. Une première compilation génère un byte code indépendant du processeur qui lui-même est interprété par une machine virtuelle. L’intérêt ? Vous faites un seul programme et il peut tourner partout du moment qu’une machine virtuelle existe. C’est du moins ce qui est annoncé. La réalité n’a jamais été aussi parfaite.

Pour promouvoir sa technologie, Sun invente en 1996, la JavaStation, un ordinateur sans capacité de stockage, avec juste de la RAM et une machine virtuelle Java. Les programmes et les données sont hébergés sur un serveur central. Nous sortons à peine des systèmes centraux et Sun veut nous y faire retourner. C’est un échec cuisant. Ils arrivent trop tôt sur ce marché.

Quinze ans plus tard, à l’ère du tout Web, les entreprises se rendent compte que les applications lourdes et propriétaires sur le poste du client sont coûteuses à développer et à maintenir. Une application en HTML peut offrir les mêmes services et être moins onéreuse. Le JavaScript, encore plus apprécié depuis l’arrivée d’HTML5, a toutes les qualités requises pour faire de bonnes applications. C’est ainsi que se développent en masse des applications complètes à base d’HTML.

Or, personne ne le contredit, une application HTML a besoin d’un serveur distant pour fonctionner. Si toutes les applications sont développées en HTML, les PC d’aujourd’hui ne seront plus nécessaires. Un simple terminal avec juste un navigateur suffira. C’est justement le concept de Google, qui, quinze ans après l’échec de Sun, tente de sortir Chrome OS, un système informatique complet composé uniquement d’un navigateur. Le reste est sur Internet, hébergé par des serveurs.

Les logiciels sont sur Internet. Les données sont sur Internet. Les serveurs sont sur Internet. C’est ça le cloud !

Il ne vous reste plus qu’à louer logiciels, espaces de stockage et serveurs, en fonction de vos besoins. Nous revenons au système de location des serveurs centralisés tant décriés aux débuts de l’ère informatique. La boucle est bouclée !

Les avantages du cloud

Les avantages sont indéniables. Les mises à jour des logiciels sont automatiques. Les données stockées sont sécurisées. Les sauvegardes de sécurité sont automatiques. Les sociétés offrant des services de type cloud se sont protégées même contre la destruction physique d’un site par un incendie ou toute autre catastrophe. Elles sont alors prêtes à activer le site de backup, prévu dans le contrat, sans perte de données. En cas de besoins de stockage supplémentaires ou de capacités de montée en charge plus importantes, une simple intervention sur votre interface de gestion et votre infrastructure est automatiquement redimensionnée. Le coût global de ces services est bien moins onéreux que de devoir le faire soi-même (si l’on inclue le coût de la main d’œuvre).

Et bien sur, les services sont accessibles à partir de n’importe quelle machine !

Un fait divers a popularisé le Cloud. Souvenez-vous de cet avion qui a amerri sans encombre le 16 janvier 2009 dans la baie d’Hudson près de New-York. Une fin heureuse, filmée par une caméra de sécurité. C’était la première fois qu’un avion en difficulté amerrissait sans se disloquer. Mais pour les passagers, certes sains et saufs, il leur a fallu se séparer de leurs effets personnels, dont leurs ordinateurs et les données qui y sont stockées. Cela n’a pas posé de problèmes à l’un des passagers. Ses données étaient en effet sauvegardées dans le cloud. Il lui a fallu juste racheter un nouvel ordinateur, resynchroniser ses données et le voila de nouveau opérationnel en moins de deux jours.

Autre avantage indéniable du cloud, c’est la disponibilité partout sur Internet. Que vous soyez au bureau, à la maison ou chez un client, vous pouvez accéder à vos applications, directement, facilement, sans ralentissement. Il existe certes des solutions de type VPN pour permettre aux personnes autorisées à accéder aux services internes des entreprises, mais c’est plus complexe à mettre en place, plus lourd à administrer et plus lent à l’exécution. Le cloud est adapté si vous travaillez avec plusieurs sociétés différentes sur un même projet. L’accès aux données y est plus simple.

Les inconvénients du cloud

Les inconvénients sont évidents. Les données étant stockées sur Internet, elles ne sont pas dans le réseau interne de la société et sont par conséquents plus vulnérables au piratage. La plupart des DSI ne sont pas encore prêtes à accepter ce risque, même avec toutes les garanties de sécurité offertes. D’autant plus que certains réseaux ont réussi à être piratés, le Playstation Network de Sony a beaucoup fait parler de lui et est resté fermé pendant presque un mois du 20 avril 2011 au 15 mai 2011. Ce n’était qu’un réseau de jeux qui a surtout fait perdre de l’argent à Sony. Mais si une application d’entreprise est fermée pendant cette durée sans que l’entreprise puisse faire quoique ce soit, les conséquences sont toutes autres. Bien qu’il soit bien plus couteux d’administrer en interne ces services, installer les mises à jour (si cela est fait) et garantir le bon fonctionnement du service 24h/24, les sociétés préfèreront une solution hébergée sur site que dans le cloud.

Les mentalités changent, surtout outre atlantique. De plus en plus de références prestigieuses adoptent le cloud tout simplement car c’est plus pratique et au final, moins coûteux. En France, l’adoption est plus lente, mais avance. Ce seront les entreprises qui auront eu le plus de mal à se séparer de Internet Explorer 6, certaines ne s’en ont d’ailleurs toujours pas séparé, qui adopteront le cloud en dernier.

Un autre défaut du cloud, qui lui n’est pas prêt d’être contourné, est la difficulté de manipuler de gros fichiers comme des vidéos ou des images en très haute résolution. Internet a de nombreux avantages, mais faire du montage vidéo ou des manipulations d’images complexes via le cloud est compliqué car la bande passante d’Internet est très inférieure à celle d’un disque dur local, encore plus si c’est un disque SSD. Pour les images, il existe une version cloud, certes simplifiée, de Photoshop : Photoshop Elements. Pour les vidéos, il existe certains services de conversion de vidéos en ligne comme Zamzar.

Quels services cloud existent ?

Il n’est malheureusement pas possible d’en dresser une liste exhaustive tant ils sont nombreux.

Il existe trois grandes familles de services :

  • SaaS : Software as a Service, correspond aux applications hébergées,
  • PaaS : Platform as a Service, pour déployer et dimensionner à volonté ses propres applications,
  • IaaS : Infrastructure as a Service, pour stocker ses données et virtualiser ses serveurs.

Il existe de très nombreuses sous-catégories que je ne détaillerais pas.

Dans le domaine des mails, on connait surtout Gmail ou, dans sa version professionnelle, Google Apps. Une fois que l’on a testé Gmail et son moteur de recherche, il est difficile de revenir vers Outlook ou Thunderbird. Avoir accès à ses mails à tout moment, y compris quand on n’a pas son propre ordinateur ou faire des recherches en une fraction de seconde sur son historique de plusieurs années, retrouver instantanément ses mails quand son disque dur tombe en panne ou quand on change d’ordinateur, cela n’a pas de prix. En plus, c’est gratuit ! En plus, l’offre de stockage est généreuse. Ceux qui n’aiment pas Gmail pourront se tourner vers Yahoo Mail ou Microsoft Live Mail, les deux principales solutions concurrentes.

En matière de stockage, il existe Dropbox qui propose de synchroniser en temps réel un répertoire sur toutes ses machines. Son offre d’essai est gratuite et illimitée pour un stockage limité à 2 Go. Des dizaines de concurrents offrent le même type de service, y compris Microsoft et Google.

Pour ce qui est de l’hébergement de serveurs, les hébergeurs habituels ont des offres cloud en plus des offres mutualisées et dédiées. OVH a des solutions pour les serveurs d’applications, les bases de données et le stockage de données.

Atlasian propose en formule SaaS, Jira, un système de gestion d’anomalies qui peut également servir, grâce à ses plugins, à de nombreuses autres choses, comme un outil de méthode Agile avec backlog, sprints et tous les services nécessaires au bon suivi de cette méthode ; Confluence, qui n’est ni plus ni moins un wiki ; Subversion pour le stockages des différentes versions des sources logiciels ainsi que d’autres outils indispensables à la gestion d’un projet informatique.

J’en parlais tout à l’heure, mais Google mise beaucoup sur Chrome OS qui ne pourra fonctionner qu’avec des applications sur le cloud. Il a donc beaucoup misé sur son offre Google Documents concurrente à Microsoft Office, proposant un éditeur de texte, de feuille de calculs, de présentation et de formulaires. De nombreuses autres sociétés sont déjà positionnées sur ce marché naissant.

Apple de son coté a acheté le domaine iCloud.com pour migrer ses services MobileMe, et probablement d’autres, vers cette nouvelle adresse.

Microsoft mise sur Azure, son nouvel écosystème. C’est une extension de son système de développement .Net qui fonctionne exactement comme .Net. Au lieu de faire tourner son application sous Windows, elle pourra tourner sur Azure, sans effort. Microsoft prendra en charge toutes les problématiques d’hébergement de serveurs et de montées en charge.

Ce ne sont que quelques exemples. Le cloud est un terme pompeux, mais c’est un service qui est déjà en marche…

Franck Beulé
Chef de projet Agile, expert des technologies de l’Internet et en ergonomie du Web

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